La baisse des taux d'intérêt à long terme rend plus difficile la recherche de placements dont les rendements compensent l'inflation. Dans quoi peut-on encore investir de manière relativement sûre pour obtenir un rendement net supérieur à la hausse de 2 % par an des taux d'intérêt à vie ?
Les investisseurs obligataires sont désemparés. La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé la semaine dernière qu'elle poursuivait sa politique de taux zéro plus longtemps que prévu. Elle promet de ne pas relever les taux d'intérêt avant le milieu de l'année 2020. Son président Mario Draghi a même déclaré qu'une baisse des taux d'intérêt était possible si les conditions économiques se détérioraient davantage. Le président de la banque centrale américaine (Fed), Jerome Powell, a également indiqué clairement que la Fed était prête à réduire les taux d'intérêt.
La perspective d'une politique monétaire toujours accommodante a entraîné une forte baisse des taux d'intérêt à long terme au cours des dernières semaines. Les rendements à 10 ans de l'Allemagne, de l'Espagne et de la Grèce, entre autres, ont atteint des niveaux historiquement bas. L'encours des obligations à rendement négatif a atteint 9 900 milliards d'euros mercredi, selon les calculs de la banque américaine JPMorgan.
Le taux d'intérêt à 10 ans de la Belgique se rapproche également de 0 %. Ceux qui ont confié leur argent à l'État belge pour 10 ans ont encore obtenu vendredi 0,15 % brut par an. Si l'on soustrait le précompte mobilier de 30 %, il reste 0,105 % par an. C'est encore moins qu'un compte d'épargne qui rapporte le minimum légal de 0,11 %, soit la somme de 0,01 % d'intérêt de base et de 0,1 % de prime de fidélité. En d'autres termes, l'épargnant fidèle ou le détenteur d'obligations d'État s'appauvrit d'année en année. Le rendement est loin d'être suffisant pour suivre l'inflation, qui est de l'ordre de 2 %.
L'investisseur perd ainsi du pouvoir d'achat. C'est pourquoi nous avons cherché des placements qui rapportent plus de 2 % net, mais qui, en même temps, sont suffisamment résistants au risque sur plusieurs années pour ne pas voir le dépôt partir en fumée.
Poursuivre un rendement net de 2 % avec les obligations est un objectif très ambitieux", déclare Dirk Van Praet, spécialiste des obligations chez BNP Paribas Fortis. Les investisseurs doivent être prêts à assumer le risque de change en investissant dans des devises étrangères. Ou ils doivent accepter un risque de crédit plus élevé. Il s'agit du risque que l'emprunteur ne rembourse pas ses obligations. Bob Maes, gestionnaire de fonds obligataires chez KBC, prévient : "L'augmentation du risque de crédit et de change rend la diversification encore plus importante qu'auparavant".
Les obligations des marchés de croissance en monnaie locale sont attrayantes pour les investisseurs à long terme, avec des rendements bruts de 6 à 7 %, explique Steven Vandepitte, stratégiste d'investissement chez ING. Il est préférable que les investisseurs achètent ce type d'obligations par l'intermédiaire d'un fonds commun de placement afin de répartir suffisamment les risques. Philippe Gijsels, stratégiste en chef chez BNP Paribas Fortis, préfère les obligations du marché de la croissance libellées en dollars à celles libellées en monnaie locale. Le risque de change est un peu plus faible avec ces dernières, mais les rendements le sont aussi.
Les obligations en dollars d'entreprises bien connues et suffisamment solvables, telles que AB InBev, General Motors et IBM, offrent également souvent des rendements nets supérieurs à 2 %. Mais de nombreux spécialistes estiment que le risque de change des titres en dollars est trop élevé. Maes : "Nous sommes plutôt négatifs sur le dollar et, malgré des taux d'intérêt plus élevés, nous n'investirions pas dans cette monnaie. La baisse du différentiel de taux d'intérêt par rapport à la zone euro entraînera un affaiblissement du dollar". M. Vandepitte n'est pas de cet avis. La BCE parle d'une baisse des taux. Sa politique monétaire n'entraînera pas une hausse de l'euro par rapport au dollar. Nous recommandons de diversifier les placements en dollars.
En euros, seules les obligations subordonnées, les obligations à haut risque ou les obligations perpétuelles offrent des rendements nets supérieurs à 2 %. Une obligation subordonnée comporte plus de risques, car en cas de faillite ou de graves problèmes financiers, elle n'est remboursée qu'après le remboursement des dettes ordinaires. Un exemple belge récent est l'obligation subordonnée lancée par le prestataire de services RH SD Worx en mai. La demande d'obligations a largement dépassé l'offre.
Quelques spécialistes trouvent les obligations subordonnées de certains assureurs attrayantes. Van Praet cite en exemple la récente obligation de l'assureur néerlandais ASR (coupon de 3,375% et échéance en 2049). Maes fait référence aux obligations subordonnées et perpétuelles de l'assureur néerlandais NN (4,5 %) et de son homologue italien Generali (4,6 %).
Les obligations perpétuelles sont fondamentalement vulnérables. Plus l'échéance d'une obligation est longue, plus son prix baisse lorsque les taux d'intérêt augmentent. Selon M. Maes, ce risque est limité pour l'instant. Étant donné que nous ne prévoyons pas de hausse immédiate des taux d'intérêt en Europe, les échéances plus longues nous posent moins de problèmes aujourd'hui". Nicolas Forest, du gestionnaire d'actifs Candriam, trouve l'obligation perpétuelle de Telefonica avec un coupon de 4,375 % attrayante. Il s'agit d'un opérateur de télécommunications dont la qualité de crédit est solide.
Tout le monde n'est pas enthousiaste à l'égard des obligations de pacotille, émises par des entreprises dont la cote de crédit est faible. Nous ne sommes pas très positifs à leur égard parce que le cycle économique est déjà bien avancé", déclare M. Vandepitte. Lorsque la croissance économique ralentit, le risque que les entreprises fortement endettées ne remboursent pas leurs obligations augmente.
Les titres de créance libellés en couronnes norvégiennes et dans certaines monnaies d'Europe de l'Est sont également intéressants, selon quelques spécialistes, bien que leurs rendements en monnaie locale soient généralement inférieurs à 2 %. M. Maes s'attend à une hausse de la couronne norvégienne et de la couronne tchèque, ce qui pourrait porter leurs rendements en euros à 2 % ou plus. Certaines obligations en zloty polonais atteignent des rendements nets d'au moins 2 %, mais l'offre de ce type de papier est limitée.
Les obligations indexées sur l'inflation visent à protéger les investisseurs contre l'inflation, car le principal est lié à l'indice des prix à la consommation. Mais Pieter De Ryck, spécialiste des obligations chez le gestionnaire d'actifs Van Lanschot, note que ces obligations ne sont pas à l'épreuve du pouvoir d'achat dans les circonstances actuelles. Leurs taux d'intérêt réels sont désormais bien inférieurs à zéro.
Il est impossible pour un investisseur de maintenir son pouvoir d'achat uniquement avec des obligations, à moins qu'il n'investisse exclusivement dans des obligations à haut rendement avec un risque correspondant", a souligné M. De Ryck. Il faut des actions. Pour obtenir un rendement en dividendes supérieur à 2 %, vous pouvez vous adresser à de nombreuses sociétés cotées en bourse. De préférence, elles sont belges, car elles ne paient pas de double précompte mobilier, ce qui réduit considérablement le rendement. Cette année, une tranche de 800 euros de dividendes est exonérée de précompte mobilier.
Le coupon payé par une banque comme KBC rapporte déjà 4,2 % net. L'assureur Ageas fait entrer 3,5 % dans la caisse. Les entreprises dirigées par les pouvoirs publics, comme Proximus (4 % net) ou Bpost (6,9 %), sont parmi les plus généreuses en matière de dividendes. Toutefois, vous devez toujours vous demander si la distribution des bénéfices est durable. Les institutions financières présentent de toute façon un risque supérieur à la moyenne, comme l'a prouvé la crise financière et économique. Des entreprises comme Proximus et Bpost distribuent plus que leurs bénéfices, ce qui n'est pas viable à long terme. Les entreprises fortement endettées risquent également de devoir réduire rapidement leurs coupons lorsque la situation se dégrade, comme l'ont montré la réduction de moitié du dividende chez AB InBev ou la forte réduction chez le fabricant de couches Ontex.
Pour certaines entreprises, le passé peut servir de guide. En particulier, les entreprises dont l'actionnariat est fortement familial attachent souvent une grande importance aux dividendes. Solvay lui-même déclare sur son site web qu'il "veut absolument éviter une réduction du coupon". Le groupe chimique y est parvenu au cours des 30 dernières années. Le rendement net de Solvay est légèrement inférieur à 3 %. La mono-holding Solvac, qui ne détient que des actions Solvay, affiche même un rendement légèrement supérieur de 3,2 %.
Pourtant, même les entreprises bien gérées, jouissant d'une solide réputation et de perspectives à long terme solides, ne sont pas exemptes de risques. Toute entreprise peut être confrontée à la marée ou à une crise soudaine telle qu'un incendie, un attentat ou un employé frauduleux. Mettre tous ses œufs dans le même panier est donc le pire conseil que l'on puisse vous donner.
Il est évident que vous pouvez acheter tout un panier d'actions à haut rendement. Mais si vous ne pouvez vous permettre d'acheter qu'une poignée d'entreprises, il est préférable de vous tourner vers les participations en bourse. Celles-ci investissent elles-mêmes dans un certain nombre d'autres entreprises, ce qui permet de répartir immédiatement les risques. C'est la société d'investissement Gimv qui obtient le meilleur rendement en dividendes, avec un taux net de 3,2 %. Gimv n'investit que dans des entreprises non cotées en bourse, ce que l'on appelle le private equity, de sorte que l'action vous donne un accès immédiat à un segment difficile à atteindre pour les petits investisseurs.
La holding GBL, basée à Bruxelles, offre un rendement net de 2,6 %. GBL n'investit que très peu dans les sociétés non cotées, se concentrant principalement sur des participations dans de grandes entreprises telles qu'Adidas, Pernod Ricard ou Umicore. GBL achète généralement de gros paquets, ce qui lui permet également de nommer un administrateur pour l'aider à déterminer la stratégie de ses participations.
Les autres participations ont un rendement net inférieur à 2 %, mais des noms comme Brederode, Ackermans & van Haaren, Sofina ou Bois Sauvage ont l'habitude d'augmenter leurs coupons chaque année s'il n'y a pas d'accident. Il faut garder à l'esprit que si les titres sont plus stables que la moyenne des marchés boursiers, ils oscillent aussi sur la cadence souvent maniaco-dépressive des marchés boursiers. Ceux qui investissent en actions doivent prendre en compte ces fluctuations et garder un horizon à long terme d'au moins sept ans.
L'immobilier offre toujours des rendements intéressants. Ceux qui veulent faire plus simple - et peut-être plus sûr - que d'acheter et de louer eux-mêmes une maison, un appartement ou un magasin peuvent se tourner vers les 16 sociétés immobilières réglementées (Sicafi) de la Bourse de Bruxelles. Les coupons des sicafi, anciennement connues sous le nom de sociétés d'investissement immobilier, rapportent une moyenne nette de 3,32 % dans le tiroir. Les gvv ne sont pas à l'abri des récessions, mais ils se sont avérés plus résistants aux corrections des marchés boursiers dans le passé. En raison de la répartition des biens immobiliers, ils sont déjà plus sûrs qu'un investissement dans un seul bien immobilier.
L'achat des 16 gvv est peut-être un peu trop élevé pour la plupart des investisseurs. En revanche, vous payez une taxe boursière moins élevée lors de l'achat et de la vente. Elle ne s'élève qu'à 0,12 % du montant de la transaction. Pour les actions ordinaires, elle est de 0,35 %. Avec un total de 0,7 % pour l'achat et la vente, la Belgique prélève la taxe sur les transactions boursières la plus élevée au monde.
Si vous n'achetez que quelques gvv, il est préférable d'opter pour une diversification dans différents segments. Les locataires de bureaux et de commerces de détail sont ceux qui rapportent le plus, mais ce sont aussi ceux qui sont le plus soumis aux aléas de l'économie. Les magasins de ville souffrent également de l'essor du commerce électronique. Dans les petites villes et les communes en particulier, on voit de plus en plus de panneaux "à louer" ou "à vendre" dans les rues commerçantes.
En conséquence, QRF a vu le cours de son action divisé par deux en deux ans. Pourtant, le marché reste favorable à l'emploi. Chez Retail Estates, le numéro un de ce segment, à peine 2 % des biens immobiliers sont vacants et la société augmente son dividende chaque année. Warehouse Estates Belgium offre le rendement le plus élevé (4,69 % net). Cette société dispose d'un portefeuille mixte composé principalement de magasins. Sa concentration dans la région de Charleroi peut en rebuter certains, même si le taux d'inoccupation est limité (moins de 4 %).
Les spécialistes de l'immobilier logistique WDP et Montea ont doublé en bourse en à peine trois ans, réduisant leurs rendements en dividendes aux plus bas du secteur. Ils n'ont pratiquement pas de locaux vacants, tout en affichant une forte croissance. C'est encore plus vrai pour l'immobilier de santé. Les spécialistes des maisons de repos Aedifica et Care Property Invest n'ont aucune vacance. Ils bénéficient de baux de 20 ans ou plus, ce qui rend les flux de trésorerie prévisibles. Tant les acteurs de la logistique que ceux des soins de santé augmentent régulièrement leurs dividendes.
Pour les portefeuilles plus importants, il est intéressant d'inclure quelques promoteurs immobiliers. Parmi les quatre promoteurs immobiliers cotés à la Bourse de Bruxelles, seul Banimmo ne verse pas de dividendes. Ce titre est à éviter pour les portefeuilles de rendement. Les trois autres, Immobel, Atenor et VGP, ont un rendement net moyen de 2,4 %. De plus, elles disposent d'un important pipeline de développement, sont encore raisonnablement valorisées et leurs chiffres d'exploitation sont excellents. Les dividendes ont toutes les chances d'augmenter dans les années à venir.
Pour ces trois entreprises, les perspectives sont bonnes. Atenor se concentre principalement sur l'Europe centrale, où les marges sont plus importantes. À Budapest, les terrains sont trois fois moins chers qu'à Bruxelles, mais les loyers des bureaux y sont 10 % plus élevés. Récemment, Immobel s'est davantage concentrée sur l'immobilier résidentiel, ce qui lui a permis d'obtenir des revenus plus stables. En outre, Immobel est de plus en plus active à l'étranger, notamment en Pologne et en France. VGP se concentre sur les entrepôts, en particulier en Europe centrale et orientale. Une coentreprise avec l'assureur allemand Allianz rapporte chaque année davantage de revenus locatifs, ce qui soutient le dividende de VGP.
Les entreprises dont les flux de trésorerie sont prévisibles et sûrs à très long terme constituent souvent un investissement sûr. Si elles sont en position de monopole, c'est un atout supplémentaire. Personne ne peut rivaliser avec Elia, le gestionnaire du réseau à haute tension, ni avec le gestionnaire de capacité de transport et de stockage de gaz naturel Fluxys Belgium.
En raison de la récente explosion du cours de l'action, le rendement net d'Elia est tombé à un peu moins de 2 %. D'autre part, Elia se développe également grâce à son expansion à l'étranger. Fluxys Belgium offre un rendement net de 3,5 %. Les revenus sont très réglementés. Mais pour les deux entreprises, plus elles investissent, plus elles génèrent de revenus. L'endettement est relativement élevé pour les deux entreprises, mais les revenus fixes ne posent pas de problème. De plus, en tant qu'entreprises semi-publiques, elles se financent à des taux d'intérêt très bas.
TINC - The Infrastructure Company - participe à des entreprises actives dans le domaine des infrastructures, qu'il s'agisse de routes, d'écluses, d'énergie éolienne ou solaire, ou encore de bungalows de vacances et d'un parking. Les participations offrent des flux de trésorerie durables à long terme. Les contrats ont souvent une durée de 30 ans et plus. TINC offre un rendement net de 2,8 % et vise à maintenir la distribution en ligne avec l'inflation.
Les parts coopératives constituent un autre type de parts. Contrairement aux parts sociales ordinaires, les parts sociales coopératives ont une valeur nominale fixe dans des circonstances normales et sont donc à capital fixe. Le rendement total est en principe déterminé uniquement par les dividendes.
Plusieurs valeurs coopératives versent un dividende net de plus de 2,86 pour cent brut ou 2 pour cent net en 2019. Chez les coopératives bancaires Cera et CrelanCo, le dividende brut est resté stable à 3 pour cent. Limburg Wind et Wase Wind, qui produisent de l'énergie verte, versent respectivement un dividende de 3,75 pour cent et de 5,50 pour cent, comme l'année dernière.
Mais comme pour une action ordinaire, le dividende n'est pas garanti. Pour la première fois, Ecopower a enregistré une perte et a donc supprimé son dividende. Le producteur d'énergie renouvelable invoque notamment les conséquences de la suppression de la gratuité de l'électricité et l'absence de dispositions relatives à la contribution au fonds de l'énergie. Les actions des coopératives sont également moins facilement négociables que les actions cotées en bourse.
Les personnes qui souhaitent investir à très long terme, qui sont prêtes à subir les aléas du marché boursier et qui veulent recevoir un paiement chaque année peuvent se tourner vers les trackers boursiers qui versent les dividendes reçus, connus sous le nom d'Exchange Traded Funds (ETF) de type distribution. Des acteurs comme ishares et Lyxor proposent ce type de trackers.
Plusieurs études ont déjà montré que les actions font partie des meilleurs investissements si l'on peut attendre suffisamment longtemps. Parfois, il s'agit même d'une période très longue. Après la Grande Dépression des années 1930, il a fallu attendre des décennies pour obtenir de bons rendements, mais cela reste une exception majeure.
En tant qu'indice mondial, le MSCI World offre la plus grande diversification. Le rendement du dividende est de 2,5 % brut, soit 1,75 % net. Un indice boursier européen comme le Stoxx600 offre un rendement plus élevé et atteint notre limite à 2,66 % net. Bien entendu, les rendements dépendent des dividendes versés par les entreprises, et donc aussi de la croissance économique et des bénéfices des entreprises.
Si Donald Trump conclut rapidement un accord avec son homologue chinois Xi Jinping, tout se passera bien.